Editeur : Gallimard Jeunesse.
Date de parution : septembre 2013.
Pages : 254 pages.
Je remercie les éditions Gallimard pour cet envoi qui m’a beaucoup plu.
En rédigeant cet avis, je me suis posée une question : ai-je lu une dystopie, un roman historique ou de la science-fiction ? Un peu de tout, en fait. C’est de la dystopie historique, qui revient en arrière dans notre passé pour imaginer un autre futur que celui que l’on connaît.
Je n’ai jamais lu un livre comme celui-ci auparavant. Il est si étrange, et pourtant, ce monde aurait pu être le nôtre. C’est une histoire de courage et de rébellion, écrite dans un style original. Mais surtout : un appel à la démocratie et à la liberté.
Que serions-nous devenus si l’Allemagne nazie avait dominé le monde ? Ceci n’est qu’un exemple et il y en a plein dans le monde qui pourraient illustrer la dictature et ses conséquences (autre exemple : l’URSS communiste). Bref, nous voilà dans le monde de Standish Treadwell, un jeune dyslexique qui ne sait ni lire ni écrire et qui se différencie, malgré lui, par un œil bleu et un œil marron. On repère vite un de ses ennemis, qui porte un nom allemand et qui a les yeux bleus et les cheveux blonds ; toutes ces caractéristiques faisant penser à un aryen.
D’autres éléments, incluant ces derniers, sont au service d’une atmosphère lourde et triste qui parcourt le roman. La Patrie accorde toute son importance à la conquête de la lune, d’où le titre VO de ce livre « Maggot Moon » (Lune Minable). Il existe aussi les Jeunesses de la Patrie qui rappellent les jeunesses hitlériennes. Standish est contraint de vivre dans ce ghetto, dont les murs deviennent de plus en plus grand jour après jour.
L’auteure Sally Gardner déclare avoir fait beaucoup de recherches sur les première et seconde guerres mondiales. Elle se demande à quoi ressembleraient l’histoire si Churchill et Hitler n’avaient pas survécu à leur accident (ils ont manqué d’être renversés par des voitures).
On ne peut pas apprécier ce livre si on ne comprend pas la richesse que le récit sous-entend. Il ne faut pas avoir peur de cette ère de ténèbres, mais de ce qui s’y cache derrière. Cette histoire questionne des points auxquels l’on n’a jamais pensé avant. Le lecteur partage la peur, l’espoir mais aussi le rêve de Standish jusqu’à la fin. Dans la zone 7, ils n’ont plus que le rêve pour penser librement.
Le personnage principal utilise un langage qui ne laisse pas indifférent. Il est à la fois extérieur aux choses, car il porte un regard naïf de jeune adolescent sur le monde, et au-dedans même, car il y vit. C’est un personnage qui doit se construire : il est dyslexique, donc il y a des répétitions et des fautes (volonté de l’auteure, bien sûr), mais aussi de la poésie avec des métaphores atypiques qui ne nous viendraient nullement à l’esprit. Ce récit est un parcours au cours duquel il impose sa propre perception du monde et sa façon de penser, d’une manière qui nous échappe – à cause du style d’écriture si particulier, à la fois étrange et poétique – mais qui nous implique aussi, grâce aux sujets qu’il traite.
De plus, c’est un livre qui se dévore car les chapitres sont très courts. Ils sont numérotés jusqu’à cent et ont tous une longueur d’1 à 4 pages. C’est un ultimatum qui nous conduit crescendo vers une fin explosive. C’est aussi un livre écrit d’une façon très simple, de sorte à être accessible aux plus jeunes – bien qu’il y ait quelques touches de vulgarité. S’il est conseillé à partir de 13 ans, c’est qu’il est un bon moyen d’appréhender les guerres mondiales et certains aspects du totalitarisme. Mais tout cela n’est pas explicite, l’auteure ayant sans doute désiré laisser l’imagination et la réflexion du lecteur vagabonder.
En résumé : des mots simples pour exprimer une réalité brutale, de la poésie pour s’éloigner d’un monde cruel et vivre un rêve éveillé, celui où Standish se rend sur Juniper, la planète vers laquelle tous ses espoirs convergent. Une écriture simple et un contenu complexe et riche donc. C’est ce que l’on appelle un roman poignant, loin de ce à quoi vous pourriez vous attendre.
Si vous cherchez quelque chose d’un peu différent qui vous emporte, lisez Une Planète dans la tête. Ce livre a le potentiel nécessaire pour devenir un classique. Si un livre est étrange, c’est qu’il se différencier de ce dont on a l’habitude et qu’il ne peut être classé. En fin de compte, il est atypique au point d’être unique.
Ce roman a déjà reçu deux prix littéraires britanniques : Carnegie Medal (2013), prix Costa (2012), ainsi que la Sélection du Prix des Libraires Indépendants.
Citation :
« Je me demande si…
Si le ballon de foot n’était pas passé par-dessus le mur.
Si Hector n’était pas allé le chercher.
S’il n’avait pas gardé l’abominable secret pour lui.
Si…
Alors, je me raconterais sans doute une autre histoire.
Voyez-vous, les « si » sont comme les étoiles, innombrables. »
Phebusa
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