Réactions aux propos de J.K. Rowling

Interpelée par de nombreux tweets appelant à oublier la créatrice d’Harry Potter à cause de ses propos transphobes, j’en viens aujourd’hui à écrire quelques réflexions.

L’objectif de cet article n’est pas tant de montrer mon accord ou mon désaccord que d’analyser les causes d’une telle polémique. En effet, menant des recherches sur le genre, ce sujet m’intéresse.

Une des sources de ce désaccord repose sur les principes de Yogyakarta, voués à protéger les personnes LGBT et intersexuées (2007 – 2017). L’article 31 suggère qu’il existe de multiples marqueurs de genre. Des militants trans ont plaidé pour que la mention du sexe biologique soit retirée de la législation, ce qui a déclenché une réaction au Royaume-Uni.

Il faut à ce moment-là bien comprendre les définitions distinctes de SEXE et de GENRE. J’ai vu beaucoup de tweets associer ces deux notions comme des synonymes. Je faisais pareil avant de lire des ouvrages scientifiques. C’est complexe, et preuve en est : le terme de « genre » a mis du temps à être adopté en France, où l’on a longtemps utilisé « gender ». La définition ‘simple’, c’est que le sexe est biologique, et le genre est non seulement social et construit mais il induit aussi une idée de hiérarchie (bonjour le patriarcat). Pour la version longue, c’est ci-dessous !

(Extrait de mon mémoire : “au-delà de la binarité de genre ?”)

Pour identifier quelqu’un, on ne se limite plus à son sexe biologique. Certains activistes trans souhaitent alors remplacer le sexe biologique par « l’identité de genre ». Voir le concept du Genderbread Person ci-dessous : l’identité sexuelle (sexe), l’identité de genre (expérience privée), l’expression de genre (comportement public), l’orientation sexuelle.

Or, cela pose problème à des personnalités comme JK Rowling – par exemple – qui s’appuie sur le schéma binaire homme/femme reposant sur la reconnaissance du sexe biologique : « ma vie a été déterminée par le fait d’être une femelle (by being female) » et non « woman » ici. Ignorer le sexe biologique, c’est nier son combat. De fait, si le sexe biologique n’est plus pris en compte, l’identité de certaines catégories de personnes sera bouleversée. En effet, les homosexuels voient leur identité basée sur le sexe biologique : « if sex isn’t real, there’s no same-sex attraction. » (Si le sexe biologique n’a plus lieu d’être, alors il n’y a plus d’attraction pour le même sexe).

On peut rétorquer que les scientifiques considèrent que même le sexe biologique est fluide et qu’il est donc logique que cette notion de sexe disparaisse. Néanmoins, tout ce qui constitue ce « sexe » ne se voit pas dès la naissance donc cela pose plusieurs interrogations.

De plus, peut-on réellement bouleverser le système de représentations sociales des autres catégories ? Autrement dit, doit-on tous prétendre que le sexe biologique est fluide et n’est plus un marqueur parce que certains militants trans l’ont déclaré ? Nos identités respectives ne reposent pas sur les mêmes critères, cela pose problème, et donc ? Doit-on ajouter une troisième catégorie au système ou modifier tout le système ? Les trans non-binaires parleront « des gens qui ont leurs menstrues » et les cisgenres parleront des « femmes » ? Invente-t-on deux langages séparés ou les fusionne-t-on ? Abolit-on le langage des cisgenres pour que le langage des trans domine ?

Les personnes qui ont leurs règles sont des femmes au sens biologique du terme (bon, c’est discutable car certaines n’en n’ont pas, mais je ne discute pas de ce point ici). Cependant, « être une femme » ne se réduit pas à cela. Les trans binaires peuvent être femmes, pas vraiment au sens anatomique du terme, mais peut-être quand même biologique si on tient compte des hormones. Bref, le sexe est plus complexe qu’avant grâce aux avancées scientifiques, comme dit avant.

JK Rowling montre l’importance de l’existence du sexe biologique pour son combat féministe. Pour faire simple : s’il n’y a plus de sexe, alors les termes d’homme et de femme n’auraient plus de sens, et donc les inégalités homme/femme n’existeraient plus. En outre, il y a eu différents féminismes – la vision essentialiste, la vision constructiviste, etc. – qui ont souvent eu du mal à inclure les transidentités. Toutes ces minorités ont quelque chose à apporter à l’édifice, mais leur idéologie n’est pas la même et entre parfois en confrontation. Cependant, même si les batailles ne sont pas toutes les mêmes, l’ennemi est commun pour les féministes, trans, noir, homo, etc. : c’est l’homme caucasien (blanc) hétéro.

En fin de compte, ce qu’on peut en retenir, c’est que les transidentités sont encore nouvelles et n’ont peut-être pas encore eu assez de visibilité pour s’exprimer. Il y a donc des incompréhensions et des réticences. Il faudrait revoir la terminologie car, premièrement, SEXE et GENRE sont des notions différentes, et deuxièmement, « être une femme » (et non une femelle) peut aussi bien désigner quelqu’un qui a un utérus que quelqu’un qui n’en a pas.

On en vient également à se demander si la communauté LGBTIQA+ restera toujours soudée, car certains trans s’opposent à la pensée des queers par exemple. C’est pourtant ce combat commun qu’il faut mener car le GENRE est en interaction avec différents types de discrimination qui rassemblent des communautés différentes, pourtant toutes humaines. Si le sexe, le genre, l’orientation, l’identité, la race, l’âge, etc., ne nous réunissent pas, notre dénominateur commun est l’espèce humaine.

Laisser un commentaire